Un fantôme sur le divan – Stéphane Allix

Quand l’extraordinaire s’invite chez les psy – Stéphane Allix
Article d’Anaïs Bensahra

« Ai-je rêvé ? Suis-je fou ? Qui me croira ? ». Déboussolées et en manque de repères, nombreuses sont les personnes qui se sont posées ces interrogations après avoir vécu une expérience exceptionnelle. De nos jours, la place réservée à ce type de témoignages s’avère toujours restreinte. Plusieurs obstacles, en effet, se présentent face à la manifestation des phénomènes spirituels. Le paradigme matérialiste dominant dans les sciences met hâtivement sous le tapis ce genre de faits en les étiquetant « d’impossible », « d’irréels ». Face à ce genre d’objections, il nous paraît primordial de rappeler avec Charles Richet, pionnier de la métapsychique* en France, que les « phénomènes psi ne remettent pas en cause les lois de la physique. Ils sont inhabituels mais l’inhabituel n’est pas synonyme d’invraisemblable ».

Le second obstacle est le scepticisme avancé par convictions personnelles. Nul autre motif ne peut en effet justifier ce rejet face à l’abondance des faits et des témoignages récoltés depuis le XIXe et qui ne cessent de s’accroître de notre temps. Si le scepticisme* est une démarche philosophique particulièrement positive dans la recherche scientifique, elle se révèle particulièrement inefficace et inadaptée dans le champ des expériences exceptionnelles. Il s’agit donc d’une position de principe motivée par des croyances en faveur du paradigme matérialiste et/ou d’une absence d’expérience spirituelle personnelle (les deux pouvant se nourrir l’une et l’autre). En effet, l’adage populaire « d’être cartésien » face aux phénomènes spirituels traduit moins la démarche proprement cartésienne* qu’une affirmation en faveur des choses purement sensibles. S’il est vrai que Descartes rejetait l’occultisme avec ferveur et qu’il est également considéré comme le père de la science moderne, la raison peut néanmoins trouver sa place dans le champ des expériences exceptionnelles.

Dans son nouvel ouvrage, Stéphane Allix met les spécialistes face aux plus fortes inquiétudes partagées par les expérienceurs* : « Ces perceptions extra-sensorielles sont-elles le fruit d’une hallucination ? Ces personnes ont-elles perdu la raison un court instant ou autrement dit, ont-elles touché à cette peur effrayante qu’est de tomber dans la folie ? ». Les psychologues cliniciens sont unanimes : si nous ne pouvons pas encore les comprendre ni les expliquer, les expériences spirituelles sont néanmoins bien réelles. Davantage, elles peuvent se présenter comme une véritable ressource thérapeutique pour la personne qui les traverse. Chaque spécialiste interrogé témoigne de la nécessité d’accueillir avec prudence et respect les récits à caractère exceptionnel qui leur sont rapportés. Si, en effet, l’expérience spirituelle ne peut être comprise que par celui qui l’éprouve, il n’empêche que celle-ci ne doit pas être nécessairement considérée comme un phénomène pathologique. Plusieurs critères permettent en effet aux cliniciens de distinguer un cas de démence et une personne saine : la cohérence du discours, l’isolement ou l’interaction sociale du patient, la déconnexion avec l’environnement, le retour sur soi après cette expérience hors norme, l’inefficacité d’un traitement médicamenteux… Mieux encore, si vous êtes capables de vous interroger sur la façon dont vos proches pourront réagir, rassurez-vous. Vous n’êtes ni fous ni hallucinés.

A plus forte raison, les psychologues remarquent le potentiel de transformation intérieure compris dans chacune de ces expériences spirituelles. Ces dernières bouleversent en effet les croyances admises et provoquent, chez les plus réfractaires, cette conversion inattendue et improbable que leur raison seule ne pouvait pas admettre. Les convictions préalables ne possèdent plus aucune prise face à la puissance et à l’ouverture de conscience qui est ainsi engendrée. A l’image des personnes ayant fait une EMI*, la perception de notre monde et de notre rapport aux autres se trouvent intégralement transfigurée. Les changements de vie sont alors fréquents et les valeurs humaines sont mises en lumière. Comme le soutenait déjà le philosophe Henri Bergson, la connaissance approfondie du spirituel est un gage de joie et de moralité pour l’humanité tout entière. La potentialité de la survivance humaine permet le retour à une vie simple, enfin détachée de la frénésie du progrès technique. Les psychologues cliniciens eux, de leur côté, soulignent le versant positif des expériences extra-sensorielles et appellent à ne pas refouler de tels témoignages car elles sont une véritable opportunité d’épanouissement personnel. Face à la réalité de ces phénomènes, de nombreux professionnels ont ainsi développé de nouvelles pratiques thérapeutiques : psychologie transpersonnelle, méthode intégrative, respiration holotropique… Toutes laissent une large part au caractère spirituel de l’être humain.

Si l’entendement n’est pas apte à donner les tenants et aboutissants de tels phénomènes, leur intégration au sein des espaces médicaux permettent de libérer la parole tant dans les cercles privés que publiques. L’ouvrage de Stéphane Allix est en effet une véritable bouffée d’air frais face à ce rejet écrasant motivé par les peurs et les tabous de notre société. L’information et la communication sont des outils indispensables pour rompre avec les idées reçues. Les témoignages recueillis se présentent comme des véritables boussoles pour les personnes désemparées face à ce type d’expériences. Ces dernières, enfin considérées, frayent également un tout nouveau chemin dans le champ de la science. La connaissance de l’homme et notre rapport à la matière s’en voit modifiée et épurée. Positionnons-nous alors avec Stéphane Allix et affirmons que « nous accueillons l’extraordinaire ». Accueillons-le dans sa manifestation, sa capacité de transformation, sa vérité quant à notre dimension spirituelle et aux répercussions potentielles sur notre vie et nos croyances. Laissons-lui enfin sa place et libérons la parole à l’image des confidences sensibles et sincères recueillies dans « Un fantôme sur le divan ». En somme, un ouvrage incontournable et indispensable tant pour les professionnels que pour le grand public.

                Anaïs Bensahra

LEXIQUE

Métapsychique : étude scientifique des phénomènes paranormaux (aujourd’hui appelée parapsychologie).

Scepticisme : démarche philosophique qui refuse d’admettre une chose sans examen critique.

Démarhe cartésienne (philosophie) : position rationaliste qui se base sur la recherche de la vérité par la raison.  

Expérienceurs : Personne témoin d’expériences non ordinaires.

EMI (ou expériences de mort imminente) : phénomène exceptionnel qui se traduit par un ensemble de visions et de sensations uniques lors d’un état de mort clinique ou de coma avancé.